Itinéraire d’un poète
Fouad El-Etr et les éditions La Délirante

La Délirante est une maison d’édition tout entière vouée à la poésie, fondée et dirigée à Paris par le poète Fouad El-Etr.

Elle s’est d’abord fait connaître par une revue, parue de 1967 à 2000, et, depuis 1973, par une collection de textes rares, des poèmes et des proses, écrits ou traduits par des poètes, sur la poésie et sur l’art, ainsi que par des livres de grande bibliophilie, illustrés par les maîtres du dessin contemporain.

Sensible à l’unité de la poésie, Fouad El-Etr a réuni dans cette collection, en même temps que ses poèmes et ses traductions de Synge et Yeats, Keats et Shelley, Cavalcanti et Dante, Bashô et Buson, des poèmes et des proses de  Brodsky, Paz, Cioran, Jünger et Pichette, Muraoka, Berman et Genevaz, ses amis, comme de Goethe, Schiller et Heine, Schlegel et Novalis, Trakl et Rilke, Sappho, Borges et Gozzi, Camoëns, Góngora et Quevedo, etc., reprenant des traductions célèbres de Nerval et Roud, ou les confiant à des poètes ou à des traducteurs de talent comme Antoine Berman, Frédéric Magne, Florence Delay, Philippe Jaccottet, Ann Grieve, Pascal Charvet, Martine de Rougemont ou Eurydice El-Etr, sa fille .

Renouant avec une tradition séculaire, il unit aux poètes des peintres, qui discrètement les suivent dans leurs méditations : Bacon, Balthus, Barthélémy, Botero, Janssen, Mason, Olivier, Pelayo, Rouan, Seguí, Szafran, Topor ou Vallorz. En 1982, le Musée National d’Art Moderne a consacré à La Délirante, au Centre Georges Pompidou, une exposition qui a connu un grand succès ; et de même, en 2000, la Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

Mais ce qui distingue surtout La Délirante, c’est quelle repose sur un poète qui en assume seul, dans une totale indépendance – et fort dès ses débuts de l’amitié de Schehadé et de Saint-John Perse, de Cioran et de Gracq, de Jünger et de Paz – tous les choix poétiques, plastiques, typographiques, ce qui confère à son entreprise une unité qui ne cesse de s’affirmer depuis plus de quarante ans. Composés en plomb, ces livres sont imprimés dans la tradition typographique, sur des papiers chiffon, et sont tous illustrés de dessins spécialement réalisés pour La Délirante.

Sollicité, il y a deux ans, pour traduire les poèmes de Keats dans Bright Star !, le film de Jane Campion consacré à ce poète, Fouad les a réunis dans un livre en édition bilingue, Ode à un rossignol et autres poèmes, tiré à ce jour à  sept mille exemplaires.

Il a récemment fait paraître son septième recueil, Irascible silence, trente-neuf  poèmes illustrés en frontispice d’une eau-forte de Paolo Vallorz.

Edwige Dulac