Carlo Gozzi

L’Amour des trois Oranges
Présenté et traduit de l’italien par Eurydice El-Etr
Eau-forte aquarellée d’Antonio Seguí
Juillet 2009. 64 p. (pp. 9 à 51)
100 exemplaires avec une eau-forte aquarellée de la main du peintre,
dont 35 comportent une épreuve à part tirée à grandes marges
L’exemplaire sans suite : 400 €   L’exemplaire avec suite : 750 €

On connaît surtout l’opéra qu’a fait de cette mythique pantalonnade de la commedia dell’arte, qui mêle au loufoque le merveilleux, Serge Prokofiev. Mais c’est à partir d’un conte théâtral de Carlo Gozzi, contemporain et rival de Goldoni dans la Venise du XVIIIe siècle, que Meyerhold, par l’entremise de Guillaume Apollinaire, qui la lui avait fait connaître, a suggéré son opéra à Prokofiev.

L’Amour des trois Oranges est inspiré, ainsi que son auteur se plaît à le souligner, d’un conte pour enfants très populaire en Italie. Le texte traduit par Eurydice El-Etr n’est pas une pièce à proprement parler – le scénario original de Gozzi, simple canevas pour les improvisations de la commedia dell’arte, étant sans doute à jamais perdu. C’est un récit insolite, la description de ce qu’était la pièce lors de ses premières représentations, et que Gozzi, avec minutie et humour, rédige une quinzaine d’années plus tard, lorsque paraissent ses œuvres complètes. Rares exceptions, ces quelques pages où Gozzi fait venir soudain ses personnages sur la page et leur donne la parole en ces vers martelliens, inventés par Jacopo Martello au début du siècle à l’imitation de l’alexandrin français, et dont il brocarde la monotonie et la platitude.

Modèle de création pour les Romantiques allemands, comme le rappelle Eurydice El-Etr dans sa préface, L’Amour des trois Oranges, tout comme ses autres contes théâtraux, ont également exercé sur les compositeurs d’opéra une force d’attraction toujours renouvelée qui, de Wagner à Henze, en passant par Puccini, Busoni, Casella ou Prokofiev, ne s’est pas encore démentie. Et, après une longue hibernation, les pièces féeriques de Gozzi ont été remises à l’honneur sur les scènes de théâtre tout au long du XXe siècle (Meyerhold, Vakhtangov, Reinhardt, Copeau, Strehler, et, plus près de nous, Egisto Marcucci, Andrei Serban, Ellen Stewart, Benno Besson, etc.), confirmant ainsi leur vocation théâtrale.

Dans la pièce, c’est bien la bouffonnerie qui prime, mais le merveilleux aussi souvent affleure – malgré les efforts de Gozzi pour en démystifier les ficelles – ramenant le lecteur, comme jadis le spectateur, à un état d’enfance, d’innocence et de disponibilité absolues, jeu auquel Gozzi lui-même avoue, à l’Acte Deuxième, s’être laissé prendre. C’est ce double fil chez lui qui a inspiré écrivains, hommes de théâtre, musiciens : ainsi Meyerhold qui, au début du siècle dernier, donne pour nom L’Amour des trois Oranges à sa revue d’avant-garde, et fait travailler ses élèves du Studio sur un divertissement tiré de cette pièce, qui inspirera l’opéra homonyme de Prokofiev.